TEDIA : Interview des porteurs de projet
Découvrez l’interview de Géraldine Vial, Maître de conférences en droit privé, et de Romain Rambaud, Professeur de droit public, au sujet du projet TEDIA (Transformation des études de Droit vers l’Intelligence Artificielle).
Comment est né le projet TEDIA ?
Nous menons tous les deux des projets de recherche sur l’IA juridique opérationnelle et possédons donc une certaine expertise sur ce sujet. Par ailleurs, nous avons souhaité travailler ensemble afin de couvrir un maximum de domaines d’application de l’IA, en droit public et en droit privé.Nous avons répondu à l’appel à projet Idex « Emergents 2024 » qui avait pour but d’apporter à des équipes pédagogiques l’aide nécessaire à la concrétisation de leurs initiatives pédagogiques. Nous avons ainsi obtenu un financement de 45 000 euros qui a débuté le 1er janvier 2025 et dont la durée est de 18 mois.
Avec quels autres acteurs collaborez-vous sur ce projet ?
Dans le cadre du projet TEDIA, la Faculté de droit est partenaire du MIAI Cluster IA (Multidisciplinary Institute in Artificial intelligence), de l’Université Grenoble Alpes et du Centre de Recherches Juridiques.Par ailleurs, un stagiaire a été recruté pour assurer la partie logistique du projet. De plus, les étudiants du Master Justice Procès Procédures y seront également associés. Enfin, nous remercions l’équipe administrative de la Faculté de droit pour son aide dans le montage et la mise en oeuvre à venir du projet.
Quel est l’objectif du projet TEDIA, tout d’abord pour les étudiants ?
Notre volonté est d’initier les étudiants à l’utilisation des outils d’intelligence artificielle juridique opérationnelle. Nous souhaitons, pour cela, faire découvrir l’IA au plus grand nombre d’étudiants et le plus tôt possible, à savoir dès la Licence 2. Ces derniers vont se voir proposer un cours optionnel de 18h intitulé « IA juridique » dès le 1er semestre de l’année 2025-2026. Ce cours présentera quelques éléments de base sur l’IA juridique, les rapports entre IA et droit, ainsi que les différents outils d’IA génératives juridiques existants sur le marché (ex : ORDALIE, PREDICTICE, DOCTRINE, LEXIS IA, GEN-IAL de Dalloz...).L’enjeu est de sensibiliser les étudiants aux conséquences de l’arrivée de l’IA sur les différentes professions du droit, à leur utilisation, leurs limites et les risques associés. Ces outils seront couramment utilisés dans l’avenir, comme les outils juridiques classiques qui sont déjà présentés aux étudiants. Il est donc crucial que les étudiants comprennent leur fonctionnement et qu’ils sachent les utiliser avec efficacité et précaution.
Et pour les professionnels ?
Une « IA Week » sera organisée à la Faculté de droit à la rentrée 2025 (les 17, 18 et 19 septembre).Cet évènement a pour objectif de réunir des professionnels du droit de différents horizons sur les grandes thématiques contemporaines de l’IA juridique opérationnelle. Il proposera des conférences plénières, ainsi que des ateliers pratiques, dans lesquels les legaltech (entreprises qui proposent un service juridique dématérialisé) présenteront leurs outils. Le public pourra ainsi prendre directement en main les différents logiciels.
Le programme de ces journées est en cours d’élaboration. Nous pouvons cependant annoncer quelques thèmes :
- Transformation des professions du droit et IA
- IA et justice (judiciaire, constitutionnelle et administrative)
- Technique informatique de l’IA juridique
- IA et action administrative
- Ethique et régulation de l’IA
Qu’en est-il des enseignants-chercheurs de la Faculté de droit ?
Une sensibilisation à l’utilisation des outils d’IA juridique opérationnelle sera proposée aux enseignants-chercheurs et aux chargés de TD volontaires. L’objectif est de les aider à détecter leur utilisation chez les étudiants et de réfléchir aux évolutions des modalités d’enseignement et d’évaluation de ces derniers. Certaines IA sont capables de réaliser une fiche d’arrêt mieux qu’un étudiant ce qui implique de repenser l’enseignement des TD !On peut imaginer qu’un atelier leur soit dédié lors de l’IA Week pour la présentation et la prise en main des différents outils.
Ces outils se perfectionnent sans cesse et il est nécessaire d’apprendre à les manipuler pour avoir une capacité de recul et rester vigilant.
Par ailleurs, le sujet de l’IA est adossé aux recherches d’un nombre croissant d’enseignants-chercheurs de la Faculté de droit.
Ce projet est-il un test d’introduction de l’IA dans la future carte de formation de la Faculté ?
L’idée, si le test fonctionne, est en effet d’inscrire au programme de la Licence 2 un cours d’IA juridique opérationnelle dans la future maquette. De même, l’IA Week serait amenée à être reconduite chaque année.Nous souhaitons également établir des partenariats avec les juridictions, le Barreau de Grenoble, le CNFPT et la Cour d’appel afin de leur proposer de la formation continue.
Nous avons notamment un projet de Diplôme d’Université IA juridique, dans le cadre de la nouvelle accréditation, qui dépendra de la pérennisation de la démarche.
Où en sommes-nous de l’avancée de l’IA dans le monde juridique ?
L’arrivée de l’IA touche toutes les professions juridiques : juge, avocat, notaire, agent public...Il y a eu une première phase de développement de logiciels de justice prédictive, axés sur les statistiques. Aujourd’hui, l’IA générative a pris le relais.
On entre aussi dans une nouvelle ère où les outils de legaltech ne sont plus seulement créés par les pionniers de l’IA (type Chat GPT) qui développent des modules juridiques ou par des start-ups spécialisées dans cette technologie mais aussi par des grands éditeurs juridiques traditionnels (comme, par exemple, Lexis Nexis) qui commencent à prendre leur part du marché.
Comment les universitaires se sont-ils emparés de l’IA pour le moment et quelle est la particularité de Grenoble ?
Le sujet de l’IA, bien qu’il ne soit pas encore développé au sein de toutes les Facultés de droit, prend de plus en plus d’ampleur. Certaines grandes universités sont avancées dans ce mouvement, il faut donc saisir le train en marche !Tout en ayant conscience des risques de l’utilisation de ces IA, nous les envisageons dans une approche positive et, contrairement à bon nombre d’universitaires jusque-là, nous ne faisons pas du droit de l’IA ou du droit des données mais de l’IA juridique opérationnelle, en étudiant comment cette IA est mise en œuvre dans les professions juridiques, judiciaires et universitaires et quels en sont les impacts.
Avec le projet TEDIA, la Faculté de droit de Grenoble se positionne ainsi en pionnière, tant au regard de la formation de ses étudiants, que de l’expertise développée par ses enseignants-chercheurs en matière d’IA juridique opérationnelle.
Pour conclure, nous avons de l’avance et souhaitons la conserver !
Publié le 4 avril 2025
Mis à jour le 4 avril 2025
Mis à jour le 4 avril 2025