Interview : Sandrine Chapon, Professeure certifiée d’anglais à la Faculté de droit de Grenoble

International, Vie des personnels
En cette rentrée, nous avons interviewé Sandrine Chapon, Professeure certifiée d’anglais à la Faculté de droit de Grenoble, pour découvrir son métier. Nous évoquerons également son récent séjour de mobilité à Londres…

À la découverte du métier de Professeur d’anglais

1/ Comment devient-on Professeur d’anglais de spécialité ?

Mon parcours n’est pas forcément très classique pour un Professeur d’anglais...

J’ai tout d’abord passé le CAPES, qui est le concours de l’éducation nationale. Durant mes études, j’ai donné des cours d’anglais mais aussi de français langue étrangère en maternelle et en primaire. J’ai ensuite occupé un poste dans un lycée alternatif spécialisé dans le raccrochage scolaire (Collège Lycée Élitaire pour Tous) à Grenoble. Puis j’ai été embauchée au CNED pour préparer des cours de niveau licence. Par la suite, je suis devenue Professeur d’anglais de spécialité en droit par le hasard des postes, en candidatant à la Faculté de Grenoble. J’ai alors découvert le domaine du droit qui est passionnant ! Plus récemment, j’ai décidé de compléter mes études par une thèse en anglais juridique que j’ai soutenue en 2015 et pour laquelle j’ai reçu un prix COMUE UGA.

2/ En quoi consiste votre métier ?

Je donne des cours d’anglais à tous les étudiants de la Faculté de droit, de la L1 au M2. Cela représente 384 heures de cours par an, réparties sur 5 jours par semaine. Les trois quarts de mon travail ont lieu avant les cours, le but étant d’être le plus en retrait possible face aux étudiants pour qu’ils s’approprient les outils que j’ai préparés et parlent le plus possible. Quand j’ai commencé à la Faculté de droit, le temps de préparation de mes cours était très long car je devais tout apprendre sur le droit. Aujourd’hui, j’ai plus de connaissances en vocabulaire et culture juridique, ce qui me permet d’être plus efficace.

Ce qui me plait le plus dans mon métier, c’est la créativité demandée pour conceptualiser des cours qui stimulent l’imagination des étudiants. Je souhaite qu’ils se mettent dans la peau de juristes anglo-saxons, alors je propose beaucoup de mises en situations professionnelles (simulation de négociation de plaider coupable, procès, etc.). Mes cours portent sur le droit anglosaxon, à la fois dans sa dimension de langage et de culture. Par ailleurs, j’apprécie énormément la relation privilégiée que j’ai avec les étudiants. Je crois que les étudiants apprécient en général les cours d’anglais car c’est une matière où ils peuvent s’exprimer. Je donne également des cours d’anglais aux magistrats et aux avocats du Palais de justice de Grenoble depuis 10 ans. Ces séances m’ont beaucoup appris sur le droit français.

3/ Que pensez-vous de l’innovation pédagogique ?

Cela fait environ 15 ans que les Professeurs d’anglais font de l’innovation pédagogique. Nous avons connu de grandes réformes en ce sens dès 2001 avec le cadre européen des langues et l’approche par les tâches. Les mises en situation concrètes que les enseignants de langue proposent en cours rendent les étudiants plus dynamiques et leur permettent de dépasser leurs appréhensions. L’anglais n’est pas une matière facile à enseigner en droit car il faut tout d’abord casser la vision à court terme des étudiants qui pensent que celle-ci va les pénaliser et ne leur sera pas utile. Cela demande donc de les stimuler intellectuellement pour dépasser ces blocages.

Par ailleurs, je fais souvent des stages pour perfectionner mon approche du métier de Professeur. Par exemple, j’ai fait des stages sur la gestion des conflits, l’analyse de pratiques, la régulation émotionnelle… Cela m’a permis de développer un bon relationnel avec les étudiants qui ne sont pas toujours très ouverts à ma matière dans les premiers temps.

Retour sur un séjour de mobilité

4/ Pouvez-vous nous parler de votre dernière expérience de mobilité à Londres ?

Du 14 au 22 juin 2018, j’ai réalisé une mobilité à Londres financée dans le cadre du programme Erasmus +.

Pendant ma première semaine de séjour, j’ai accompagné des magistrats du Palais de justice de Grenoble, auxquels je donne des cours, dans la découverte du système juridique anglais. Pour cela, je leur avais préparé un programme rassemblant diverses activités : suivi d’audiences pénales et civiles ; visite de la Cour suprême du Royaume-Uni et du Parlement britannique ; découverte de la pièce de théâtre « témoin à charge » (d’après un roman d’Agatha Christie) dans une salle du Conseil ; détour par la National Library pour voir la « Magna Carta » (document fondateur des droits de l’Homme) ; et rencontre avec une avocate en droit de la famille pour des échanges de pratiques.

Ma deuxième semaine de séjour a consisté en un stage juridictionnel auprès de Maître Victoria Green, avocate en droit de la famille. J’ai alors endossé le rôle de « mini pupil » (nom donné aux étudiants en droit travaillant durant une ou deux semaines auprès d’un juriste pour compléter leur formation d’avocats par une expérience professionnelle) en suivant Me Green au quotidien dans ses déplacements. Durant mon stage d’observation, j’ai eu l’occasion de visiter plusieurs tribunaux londoniens et j’ai passé de nombreuses heures dans les transports en commun (environ 4h par jour) ! Auprès de Me Green, j’ai suivi des affaires de placements d’enfants, des audiences d’ordonnance de protection à l’encontre d’un mari violent, etc.

5/ Quel bilan tirez-vous de cette expérience ?

J’ai trouvé ce séjour passionnant. Le fait d’expérimenter la justice du quotidien, d’interagir avec les acteurs et de découvrir comment ça marche « dans la vraie vie » est pour moi primordial. Il est important d’avoir une démarche anthropologique pour connaître les métiers du droit du fait de ma fonction de Professeur d’anglais de spécialité. A la suite de ces 15 jours à Londres, j’ai pu m’initier au droit de la famille, observer le métier d’avocat, développer de nouvelles idées et diversifier mes connaissances. Cette expérience m’a vraiment confortée dans le fait qu’il y a des choses qu’on ne peut pas découvrir dans les livres !
Publié le  26 octobre 2018
Mis à jour le  26 octobre 2018