Zoom sur l’école Nationale de la Magistrature

Formation
Crédit photo : Faculté de droit de Grenoble
Rencontre avec M. Guillaume Girard, coordonnateur régional de formation à l’école Nationale de la Magistrature (ENM) afin qu’il nous présente le fonctionnement de cet établissement prestigieux dont le rôle est de former les magistrats de demain.

Quel est votre parcours professionnel ?

J’ai réussi le concours de l’ENM en 1998. J’ai obtenu mon premier poste en 2000, en tant que substitut du procureur de Valenciennes. J’ai ensuite été substitut du procureur de Lyon de 2003 à 2007, puis juge d’application des peines à Grenoble de 2007 à 2011. Après cela, j’ai occupé la fonction de juge directeur du tribunal d’instance de Mayotte, à la création du poste en 2011 et jusqu’en 2014. J’ai enfin été juge pour enfants à Grenoble de 2014 à 2016.

Depuis 2016, j’occupe la fonction de coordonnateur régional de formation (CRF) au sein de l’ENM, ce qui signifie que je n’ai plus d’attributions juridictionnelles. Nous sommes seulement 12 CRF en France, répartis par secteurs géographiques. Je suis moi-même chargé des cours d’appel de Chambéry, Grenoble et Nîmes.

Le rôle d’un CRF est d’assurer le suivi des auditeurs de justice (étudiants ayant réussi le concours d’entrée à l’ENM), tout particulièrement durant leur période de stage. J’effectue beaucoup de déplacements dans mon travail afin de rencontrer chacun des stagiaires et les liens que je tisse avec eux font tout l’intérêt de ma mission.

Comment peut-on intégrer l’ENM ?

Le concours d’entrée à l’ENM comporte des épreuves d’admission suivies d’épreuves d’admissibilité.

Ce concours est sélectif mais pas inaccessible pour un étudiant qui s’en donne les moyens. Si l’on regarde les chiffres de 2017, il y avait 2328 inscrits aux 3 concours (concours pour les étudiants et les professionnels) dont 1655 qui se sont réellement présentés aux épreuves. Parmi ceux-là, 362 ont été jugés admissibles et finalement 244 ont été admis.

Si un étudiant est intéressé par le métier de magistrat, il ne faut pas qu’il se censure. Nous sommes aujourd’hui sur un niveau de recrutement, en nombre de postes offerts, qui est inédit. Pour cette année, par exemple, dans le cadre du premier concours (celui que passent les étudiants), 192 postes sont ouverts, ce qui est très important.

Avec du travail, un bon étudiant en droit qui est ouvert sur la société, a un bon niveau de langue, maîtrise la méthode de la dissertation et a eu, si possible, l’opportunité de réaliser un stage, peut tout à fait prétendre passer le concours. 

C’est important également de suivre une préparation, proposée notamment par les Instituts d’études Judicaires ou certains Instituts d’études Politiques, pour augmenter ses chances de réussite. Elle donne 3 avantages selon moi :
  • un entrainement important à la dissertation, ce qui permet d’avoir une méthode solide ;
  • une sensibilisation aux sujets actuels ;
  • une entraide entre étudiants, avec la possibilité de travailler en groupe et d’échanger des fiches de révision.
A côté de cela, je conseille à tous les candidats de lire la presse. Elle apporte une ouverture sur la société et permet de travailler son style rédactionnel.

En quoi consiste la formation à l’ENM ?

Les étudiants ayant réussi le concours d’entrée à l’ENM deviennent auditeurs de justice, statut qui leur accorde un traitement. Ils portent une robe, prêtent serment et doivent respecter des obligations déontologiques.

L’ENM est une école d’application. Il s’agit d’acquérir des techniques professionnelles et de se familiariser avec les grands enjeux de la société civile et des politiques publiques. Le principe de la formation est celui d’une transmission par les pairs et les enseignants sont donc presque tous des magistrats.

La formation à l’ENM dure 31 mois. Elle est conçue comme une alternance entre période de stages et période à l’ENM. Au cours de leur scolarité, les auditeurs passent ainsi 8 mois à l’école de Bordeaux. Les enseignements alternent entre apprentissages des techniques professionnelles et ateliers et conférences sur des questions plus transversales touchant  aux enjeux sociaux, économiques, sociologiques, déontologiques, etc. Les cours sont tournés vers la pédagogie active et consistent en des mises en situation en petits groupes, telles que des simulations d’audiences à partir de procès réels. De nombreux intervenants extérieurs participent à la formation et partagent leur savoir (notaires, chercheurs, avocats, policiers, médecins, sociologues, journalistes,…).

Les auditeurs de justice, une fois leur formation à Bordeaux terminée, partent pour 10 mois de stage dans les tribunaux de grande instance partout en France. Dans chaque tribunal il y a un magistrat directeur de centre de stage (DCS) qui est chargé d’accompagner le stagiaire et de l’évaluer. Je travaille en lien avec lui pour m’assurer que le stage se passe au mieux.

Durant leur stage, les auditeurs de justice vont passer par toutes les fonctions d’un magistrat. Ils devront également réaliser d’autres stages dans des instances périphériques (stages en cabinet d’avocat, gendarmerie, préfecture,…) ou dans d’autres univers professionnels (stage à l’étranger, stage extérieur).

L’évaluation du stage se fait en situation professionnelle par le CRF, durant 3 temps forts :
  • présidence d’une audience correctionnelle ;
  • réquisitions à l’audience correctionnelle ;
  • tenue d’une audience civile de cabinet.
Par ailleurs, des évaluations qualitatives sont réalisées  pour chaque fonction par les maîtres de stage et par le DCS qui permettent d’apprécier l’aptitude des auditeurs de justice à exercer les fonctions du magistrat. En fin de stage, une synthèse de toutes ces évaluations est réalisée par le DCS et un bilan d’aptitude est dressé par le CRF. Un redoublement peut être envisagé si un auditeur de justice n’apparaît pas prêt à exercer les fonctions auxquelles il se destine. Il devra alors refaire un stage.

La formation de l’ENM a un rayonnement à l’international. C’est une formation très complète qui intéresse beaucoup de pays dans le monde. Je constate moi-même que les auditeurs de justice qui arrivent en stage ont déjà un vrai savoir-faire suite à leur formation à l’école.

Quelles sont les qualités requises pour devenir magistrat ?

Le métier de magistrat impose un socle minimum de connaissances techniques en droit mais cela n’est pas suffisant. Dans le travail, un magistrat est confronté à des situations diverses, des personnes ayant des parcours de vie parfois difficiles et il faut savoir gérer ces situations avec empathie, ouverture d’esprit, bon sens et pédagogie. On peut se sentir seul dans la prise de décisions parfois lourdes. Mais c’est le sentiment d’être utile dans mon métier qui fait à mes yeux tout l’intérêt de cette fonction de magistrat.

Pour devenir magistrats, les auditeurs de justice doivent valider leur formation à l’ENM en passant 3 types d’épreuves : épreuves en fin de scolarité bordelaise, les 3 épreuves notées par les CRF au cours du stage juridictionnel et 3 autres épreuves dites «d’aptitude et de classement » dont la plus importante est un grand oral devant un jury indépendant de l’ENM. Le taux de réussite à la sortie de l’ENM se situe en moyenne à 95%. Les notes obtenues permettent d’établir un classement des auditeurs de justice en fonction duquel ils pourront choisir les postes qu’ils souhaitent parmi la liste publiée par le ministère.

Différents postes sont possibles à la sortie de l’école :
  • substitut du procureur ;
  • juge d’instruction ;
  • juge d’application des peines ;
  • juge pour enfants ;
  • juge d’instance ;
  • juge au TGI ;
  • magistrat placé dans le ressort d’une cour d’appel.
Cette grande variété de fonctions est l’un des atouts de ce métier, sans que le magistrat soit pour autant tenu de l’explorer s’il est particulièrement attaché à l’une d’elles.
 
Publié le  18 juin 2018
Mis à jour le  18 juin 2018